Alternatives citoyennes
Des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
Octobre 2008
Face à face Sarah Palin-Joe Biden
La politique de « la table de la cuisine »

Les élections nous maintiennent l'esprit en éveil, au sens propre ; 3 heures du matin, heure tunisienne (20 h environ jeudi 2 octobre aux USA), telle fut l'heure de notre rendez vous avec Sarah Palin et Joe Biden, pour le face à face des deux candidats à la vice présidence qui devaient préciser et conforter les programmes des deux camps républicain et démocrate, de leurs talents et de leurs faiblesses personnelles : Sarah Palin explosive sans bavures, Joe Biden technocrate avec sentimentalité.

Au début, attendus sur leur talon d'Achille, la glissade sexiste ou la gaffe ignorante, tous les deux compassés, l'un accroché à son expertise de sénateur, l'autre arc-boutée sur un apprentissage de fraîche date qu'elle s'efforçait de se remémorer, ils ne nous apprirent guère plus qu'on ne sût déjà : le Démocrate parlant de régulation et d'intervention au point d'être accusé de vouloir « nationaliser » l'économie, la Républicaine promettant elle-même de contrôler la débandade de Wall Street.

En ces temps de récession, face à un électorat pris de panique et déjà pour les plus fragiles grevés de dettes et jetés à la rue par la crise des subprimes, aucun des challengers n'avait la latitude d'éviter cette peu glorieuse déroute, rapportée par Joe Biden à 7 ans d'irréflexion comptable de l'ère Bush dont le tandem républicain se désolidarise lui-même. À la chambre d'accusation donc, George W. Bush, mais aucun de ses éventuels successeurs ne propose de solution claire et suffisamment englobante, en dehors de restreindre l'aide à l'étranger, de taxer les énormes plus-values ou de donner la chasse à la corruption.

Deux occurrences majeures rapprochent aussi les deux camps. D'abord les deux candidats, prétendument des classes moyennes, optent pour la politique de la table de la cuisine, celle - précise Sarah Palin - autour de laquelle se réunissent les familles prises de panique au moment du financement de la santé des proches ou de celui des études des enfants : la Républicaine propose une carte crédit santé et le Démocrate assure que tout sera fait pour l'accès à l'université du plus grand nombre. À ce moment du face à face, nullement en reste sur le look de la ménagère de plus de 50 ans qu'arbore sa rivale, Joe Biden troque le costume d'expert juridique contre celui du chef de famille monoparentale (après le décès de son épouse), expliquant un sanglot dans la voix qu'on ne sait jamais quand un fils parvient à s'en sortir. Artifices et sacrifices d'une campagne où chacun laisse au vestiaire sa propre identité.

Une autre occurrence amène Sarah Palin, dans la foulée de son chef, à baptiser défaite l'abandon de l'Irak comme le « drapeau blanc » hissé devant l'ennemi. Parallèlement, Joe Biden rappellera-t-il l'engagement d'Obama pour un renforcement militaire en Afghanistan et une traque sans merci de Ben Laden jusqu'au Pakistan, destiné lui aussi aux foudres du Pentagone. Plus précis que son chef, plus expert aussi en affaires étrangères, Joe Biden envisagera les aspects politiques du problème afghan et nuancera la propension négociatrice d'Obama avec Ahmadinejad. Les deux colistiers en un même élan, en fidèles amis d'Israël, leur allié dont ils prononcent le nom très cher plus d'une dizaine de fois sans évoquer une seule fois celui de la Palestine, alors qu'il est bien question d'une solution en deux États avec pour capitale (fatalement d'Israël) Jérusalem, selon Sarah Palin. On rendra quand même grâce à Joe Biden, contrairement à Barack Obama, de déplorer explicitement la colonisation en Cisjordanie, parce qu'elle renforce le Hamas !

Pour l'heure, la récession recentre les challengers sur des préoccupations domestiques. Bien que le libéralisme débridé et dur des Républicains et celui plus soft et contrôlé des Démocrates n'apporte pas de solution de fond à la détresse des petites gens, les candidats en osmose avec leur électorat se retrouvent, ramassés sur leurs peurs nombrilistes, frileusement repliés en un nouveau 11 septembre, comptant leurs sous comme leurs votes autour de la table de la cuisine.

Nadia Omrane

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