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Élections : au-delà de la symbolique de l'autorité et du consensus restaurés

Fixée au 23 octobre 2011, la nouvelle date des élections à l'Assemblée constituante a été reçue pratiquement sans la moindre contestation, en dehors des futurs pèlerins qui se voyaient déjà à cette date à la Mecque, fin prêts pour un bon caillassage du diable, réservant peut-être même quelques pierres au président déchu.

Aucune des parties en lice pour ces élections n'a vraiment rechigné à cette nouvelle date, tant il est vrai que ce n'est pas le report qui posait problème, chacun ayant suffisamment de bon sens pour concéder qu'il faille davantage de temps pour réussir des élections véritablement transparentes et justes. L'objet du chahut était la forme et le lieu d'où provenait ce report. Voilà pourquoi, après des consultations, un cérémonial a réuni, autour du gouvernement et des instances concernées, toutes les parties qui ont à coeur d'être associées à ces élections. Toute rupture a besoin d'une scénographie, même si ce rassemblement tenait quelque peu de la mise en scène, il était impérieux que, pour annoncer solennellement un événement historique, cela fût fait autour de la symbolique de l'autorité et du consensus restaurés.

Ni le 24 juillet trop précoce, ni le 16 octobre trop arbitraire et unilatéral, la date du 23 octobre, rallongeant les délais, détend la pression et permet de trouver une porte de sortie de cette impasse où, par les lenteurs et les chicanes, chacun s'était fourré : l'honneur est sauf, personne ne perd la face. Chef de l'exécutif, Béji Caïd Essebsi ne s'est pas dédit, pas plus qu'il n'a pris en défaut l'instance indépendante pour les élections, associée à sa prise de décision sans pour autant qu'elle puisse s'ériger en pouvoir parallèle doté de prérogatives équivalentes aux siennes. C'était là la maladresse ou la manoeuvre qui avait levé le tollé.

Désormais, il n'y a plus de confusion des rôles, la hiérarchie et l'équilibre des pouvoirs sont respectés. Le Premier ministre reprend la main dans un jeu politique où il semblait, ces dernières semaines, avoir lâché prise. Il le fait dans un parler vrai et ferme, en dialecte tunisien immédiatement intelligible par tous, et va aussitôt au coeur de la cible : trop c'est trop, trop de grèves, de sit-in, de coupures de routes, de blocages d'usines dont la British Gaz qui fournit les deux tiers de l'énergie du pays à un moment où l'économie s'effondre avec un taux de croissance tombé à 1%... Le gouvernement doit se concentrer maintenant sur l'élaboration de grands projets de développement régional pour lesquels le G8 devrait accorder plusieurs milliards de dollars, ce qui risque de gravement nous endetter et de promettre à nos jeunes un avenir « d'indignés ». Monsieur Caïd Essebsi s'empresse aussi de rassurer les investisseurs américains, prêts à prendre pied en Tunisie, de ce que notre pays est le laboratoire idéal pour une bonne gouvernance démocratique libérale dans le monde arabe.

Aussi siffle-t-il la fin de la récréation, l'avertissement est donné et le consensus affiché de manière aussi emblématique est moins destiné à accepter un report qu'à cautionner une mise en demeure et le retour à l'ordre, tout tour de vis auquel le chef du gouvernement est acculé et auquel il ne pourra procéder sans cette légitimité que lui procure le consensus.

Les événements de Rouhia puis ceux de Metlaoui ont fonctionné comme un électrochoc : la Révolution est menacée de l'intérieur de souterrains obscurs et de l'extérieur à nos frontières. L'enjeu est grave et le gouvernement accepte ces prolongations jusqu'à l'automne, en garant de la continuité de l'État, de son fonctionnement et de la sécurité des citoyens, mais chacun est appelé à consentir à ce pacte de la paix civile au moins jusqu'aux élections.

L'opinion publique, lassée, capte le message cinq sur cinq et lui est acquise ; d'ailleurs, en dehors des forces de l'ordre, ce sont les parents qui veillent à la sécurité des candidats au baccalauréat et font régner un ordre citoyen. Le Tunisien moyen est ainsi, plutôt accommodant, vaquant à son commerce et de préférence bon vivant.

Quant aux partis politiques dans ce consensus explicite, il ne leur reste plus qu'à se mettre en campagne. Les délais prolongés vont-ils booster une dynamique ou la casser ? On peut penser que les formations islamistes déjà très mobilisatrices et abondamment financées se trouveront fouettées par la ferveur ramadhanesque et la piété qui court entre deux Aïd. Mais les militants modernistes, habitués à un autre rythme estival, sauront-ils maintenir la discipline d'un investissement politique dans la conscience aiguë de l'enjeu du combat ? Les prochaines semaines nous diront si cet été supplémentaire concédé au processus électoral nous fera un destin d'AKPiste...

Plus que jamais, les regards seront tournés le 12 juin vers la Turquie où les élections législatives devraient reconduire majoritairement le modèle islamiste, porté à l'élaboration d'une constitution plus civile « mais moins laïque ».

Nadia Omrane

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