Alternatives citoyennes Numéro 7 - 18 février 2002
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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Le Théâtre de l'Université

 

LLe 13 Février, à l'espace El Hamra à Tunis, la jeune troupe du « Théâtre de l'Université » donna l'une de ses premières représentations de Eddhieb (Les Loups). Nous avons pu suivre ces derniers jours les répétitions qui se déroulèrent dans une ambiance très studieuse et qui nous ont permis d'approcher le processus de cristallisation de ce spectacle qui n'a pas laissé les spectateurs indifférents, puisqu'il leur a révélé de nouveaux talents associés à la tentative de donner au théâtre tunisien un nouveau souffle. Nous avons pris connaissance, au courant de notre visite, du « Communiqué sur le Théâtre », manifeste élaboré par la troupe, dont la presse a été saisie et qui explique, selon les propos du metteur en scène Sami Nasri, les choix poétiques et méthodologiques de la jeune troupe. Nous publions aujourd'hui le texte de ce communiqué car nous y avons décelé une approche qui ouvrira peut-être de nouveaux chemins de traverse au théâtre tunisien.

Neïla Jrad

 

« Communiqué sur le théâtre »

 

Pourquoi se propose-t-on de produire une « oeuvre » théâtrale ? Une question qui ne cherche pas de réponse en soi, mais qui met en confrontation directe l'acte théâtral avec lui-même, en vue d'interroger ce qui pourrait être le déclencheur de l'expérience au Théâtre et d'étudier les méthodes d'approche de cette expérience.

Le « Théâtre de l'Université » a déjà présenté la pièce Ettinnin (Le Dragon) et se propose aujourd'hui dans le cadre de la société artistique Kaïs Production de présenter une seconde pièce qui s'intitule Eddhieb (Les Loups). Eddhieb est l'expression de certaines idées qui sont remontées à la surface de la mémoire et des impressions qui nous ont exténués. Le commencement fût l'attention et l'intérêt portés à la littérature, en recherchant les sources de l'inquiétude et celles des négations et des interrogations ; mais aussi un détachement des « technocraties » de l'écriture théâtrale ; et puis surtout des appels et des rappels qui tourbillonnent dans les recoins de l'imagination, qui balayent et enferment finalement nos autres idées ; pour que s'impose à nous l'idée maîtresse, le texte suprême auxquels on ne peut se refuser qu'en reprenant la tentative de comprendre et de décrire.

Dans l'amalgame de cette recherche et du désir de porter la responsabilité d'une formation (celle de l'Institut Supérieur d'Art Dramatique), nous avons voulu chercher le « plus » dans ce que nous avons gardé de ceux qui nous ont précédé. Et pour continuer à réfléchir le discours du Théâtre maintenant, avant que ne disparaissent ses traces, nous nous sommes rassemblés autour d'une autre question et d'une écriture différente. Pourquoi sommes-nous là ? Est-ce pour provoquer une expérience au Théâtre ? Ou pour produire une «  oeuvre » ? Qu'est-ce que la provocation d'une expérience au Théâtre ? Qu'est-ce que répéter cette provocation jusqu'à la création ?

L'expérience est un indicateur de la présence permanente de l'action. La provocation est un travail artistique qui recèle une tentative de reconstruction de la vie dans ce qui a disparu dans les abysses du corps et les méandres de l'imaginaire. C'est donc une attention portée à la nécessité de travailler et d'emprunter des chemins connus et inconnus. Des pistes qui peuvent nous guider vers des voyages inconditionnels et des instants certainement plus graves ; une tentative de s'insinuer dans les expériences précédentes et les connaissances théoriques pour les emprunter et se dégager de leurs méprises. Cette continuité invoque une rupture particulière quand envahissent le coeur les sensations de déperdition et s'entremêlent dans l'esprit des idées et images qui s'étalent à la surface de la pensée et qui ne laissent d'issue que le Théâtre comme espace de vision, de réalisation et de création. Le Théâtre est notre espace unique, notre univers symbolique ; il est aussi le lieu d'une vie autre et de mots venus d'ailleurs. Et c'est pour cela que cette préoccupation est une « action » justifiée, définitive et nécessaire. En des temps où la médiocrité, la consommation, régissent plus ou moins inconsciemment une grande partie de l'action humaine, voici le Théâtre qui ouvre ses espaces pour accueillir et annoncer la vie, à l'encontre de ce silence et de cette lassitude.

Eddhieb est un projet de Théâtre imaginaire qui se base sur la reconstruction de la logique descriptive de l'espace théâtral, et sur la démonstration des pièces et des convictions de la symbolique linguistique, dans les cercles de vie de la communauté. Il prévoit l'obscurité future et la splendeur de la « partance » dans ce qui protège l'être dans son étrangeté et son anonymat.

Cela fût le début. Maintenant le Théâtre n'a pas encore repris de sa distinction, ni de sa pureté, parce qu'il ne s'est pas encore dégagé de ce poids pesant que ses convives lui infligent. Il hurle son envie de se glisser hors de ces mains qui étranglent son maigre corps, et ces aiguilles qui se plantent dans ses entrailles. Nous voudrions lui offrir la vie, sans avoir la prétention d'une quelconque gratitude ou de profit. Nous parlons d'événements de l'esprit et d'autres histoires. Il viendra peut-être le temps de raconter ce temps dans l'imperturbable répétition des cycles.

 

La troupe du « Théâtre de l'Université »
Tunis.
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